Le Tribunal de grande instance de Paris a condamné récemment et à deux reprises l’entreprise Orange pour entrave au droit d’expertise et d’enquête des CHSCT: la lecture de ces deux jugements donne des indications utiles quant à la jurisprudence applicable en matière de délit d’entrave en la matière.
> Le 21 janvier 2014 : le TGI condamne ORANGE
« pour avoir diligenté une enquête interne » (NDLR : via le dispositif d’enquête privé de l’entreprise) suite à la dénonciation de faits de harcèlement moral, sans y associer les délégués du personnel, ni le CHSCT et alors que l’entreprise avait été saisie d’un droit d’alerte dans le cadre des article L2313.2 et L4132-2-2 du code du travail, et en violation des dispositions de ces articles (1) »
(1) L’article L2313.2 précise qu’en cas de droit d’alerte d’un délégué du personnel, l’employeur procède à une enquête avec le délégué du personnel
L’article L4132-2-2 dispose que lorsque l’élu CHSCT alerte l’employeur, celui ci procède à une enquête avec l’élu CHSCT qui lui a signalé le danger.
La décision de justice se fonde sur le fait qu’Orange n’a volontairement pas associé les représentants du Personnel à l’enquête sur des faits de harcèlement moral présumés pour lesquels ceux-ci avaient alertés leur Direction. Les faits de harcèlement moral présumé et les entraves ont eu lieu en 2008 et 2009. Le Tribunal indique que les entraves sont clairement constituées, notamment du fait des demandes répétées et insistantes des représentants du Personnel qui ont essuyé des refus réitérés de la part de la direction de l’Entreprise.
Bien que tardive, la décision est hautement symbolique, elle est assortie d’amendes et de dommages et intérêts accordés au CHSCT et aux syndicats (SUD et CGC) qui s’étaient portés partie civile.
Voir le jugement du 21 janvier ici.
> Le 11 avril 2014, le TGI condamne ORANGE pour avoir voulu bloquer une demande d’expertise CHSCT concernant un déménagement à Alleray
Les CHSCT voulaient une expertise sur la densification des postes de travail prévue par le projet.
Orange refusait de payer l’expertise. L’entreprise arguait
– que ce projet avait été suivi voire accepté par une équipe projet composée de (l’ensemble des) syndicats, et donc que les CHSCT n’avaient pas à s’y opposer
– que l’expertise ne devait pas porter sur l’ensemble du projet, alors que seuls certains points (la densification des postes) étaient contestés.
Après avoir rappelé les droits des CHSCT et de leur expert (ici Technologia) en la matière, le tribunal a condamné Orange à payer les expertises demandées par les CHSCT et confiées à Technologia, lequel s’était associé à la défense des CHSCT.