A France Télécom-Orange, les ressources humaines sont traversées de courants paradoxaux, dont certains sont porteurs d’espoir pour la santé physique et psychique des salariés…et d’autres pas!
- Le plan de Bernard Merck, vice président DRH en 1999 qui a théorisé et initialisé « RH demain » et inventé la notion de « manager, 1er RH », continue de se dérouler. Ce plan vise à inféoder les ressources humaines au management, et les assigne à trouver les dispositifs pour servir le « business», sans marge de manœuvre ; création des CSRH qui ont séparé la gestion des ressources humaines du management des ressources humaines, et éloigné les salariés des services qui les gèrent ; menace toujours planante de leur sous-traitance; informatisation des process RH par l’intranet ; auto-saisie par les salariés ou leur cadres, « manager 1er RH » ; et, de manière plus récente, l’introduction du cyber-réseau social professionnel interne, Plazza,
- Celui-ci permettra à l’entreprise, d’une part, de piller les savoirs-faire exposés par les utilisateurs, et d’autre part de neutraliser ceux qu’elle ne souhaite pas voir développer. Sous couvert d’échanges de « bonnes pratiques » , on assiste bien à une attaque de la construction collective de règles de métiers, qui ne s’opère que grâce à la « dispute » entre pairs, dont nous parle Yves Clot, et non par le choix hiérarchique. L’objectif est aussi de se dispenser des règles RH, voire du dispositif RH pour le recrutement interne, puisque les recruteurs pourront se passer de CV et de lettre de motivation grâce à la gestion par les salariés eux même de leur « e-réputation ».
- « Manager 1er RH », se poursuit grâce aux évolutions de l’application intranet @noo, qui livre, au responsable immédiat, des données RH et personnelles de son équipe (rémunération, état-civil, adresse, données familiales voire bancaires, personne à prévenir etc…).
On sait les effets délétères sur la santé des salariés, qu’ils soient en activité ou en arrêt de travail, qu’a générés cette nouvelle organisation des ressources humaines, qui dénie tout rôle de tiers aux ressources humaines dont c’est pourtant la fonction.
Un autre discours commence à se faire entendre dans les hautes sphères de l’entreprise ; que ce soit auprès du DRH Groupe, à travers le pôle « nouveau contrat social », sa cellule de médiation, le rattachement du médecin du travail coordonnateur, ou encore au sein de la Direction Opérations France. Cette dernière développe au sein de sa DRH, un service « Environnement du travail », qui avait disparu des organigrammes depuis très longtemps. Il s’est étoffé depuis l’arrivée, en septembre 2011, de l’assistante sociale coordonnatrice et plus récemment, d’un binôme « pour faire vivre l’accord social organisation du travail ».Ces derniers choix nous paraissent constitutifs d’un virage notable de la politique ressources humaines de l’entreprise.- La renaissance d’un service social du travail moribond, se traduit par des décisions, fin 2012, qui tendent à le placer en véritable interlocuteur à tous les niveaux de l’entreprise, et à lui rendre les moyens organisationnels d’assurer sa mission. Le recrutement d’une ergonome et d’un sociologue qui affichent la nécessité de tenir compte du travail réel dans les réorganisations marque une volonté de renverser la tendance technocratique des ces quinze dernières années, alors qu’on pouvait craindre l’enterrement de l’accord « organisation de travail », porteur d’espoir, mais trop généraliste pour être opérationnel.
- Quels seront les effets au niveau local? Le changement de discours est déjà présent dans certaines unités, par exemple, dans un Power Point présenté aux encadrants d’une unité technique, sur les relations avec les IRP. « le dialogue social vise à aboutir à un équilibre entre dirigeants et salariés, en prenant en compte la pluralité d’intérêts et des logiques différentes ». Cette phrase réintroduit discrètement la notion de conflictualité, et en identifie les acteurs. Elle s’inscrit en opposition avec « l’enfumage » savant qui a œuvré à masquer les conflits réels du travail, à les faire dériver en conflits entre managers et salariés, entre salariés, et en conflit interne du travailleur, avec les dégâts psychiques et sociaux que l’on connait. Citons encore : « La volonté du législateur a été de faire des IRP (Instances représentatives du Personnel) un contre-pouvoir dans l’entreprise. Le législateur leur en donné les moyens. Il est normal qu’ils les utilisent ».
Une posture qui tranche avec celle de La Poste, qui utilise les affaires disciplinaires et le harcèlement judiciaire contre les représentants syndicaux, voire contre les organisations syndicales, alors que les conditions de travail et l’organisation de travail amènent toujours plus de souffrance physique et psychique chez les postiers. 19 suicides depuis 1 an. Un changement de dirigeants, à la Poste aussi, apparaît comme une étape nécessaire, sinon décisive.
France Télécom-Orange se donnera-t-elle les moyens de son ambition de ressources humaines?
Le contexte reste critique : l’entreprise supprime des postes et des services entiers à tout va (dans les agences, à la DCG…) et l’accord séniors valide une nouvelle hémorragie des effectifs au travail, à travers les dispositifs de départs anticipés (TPS) qui, s’ils maintiennent l’emploi, évacuent les anciens des services de l’entreprise, et tablent sur un accroissement de la productivité de ceux qui restent.